Pierre Brossolette, journaliste, homme politique et résistant

Mis à jour le 12/03/2024
Pierre Brossolette, journaliste, homme politique et résistant

Né le 25 juin 1903, fils de Léon Brossolette, inspecteur de l’enseignement primaire à Paris et ardent défenseur de l’enseignement laïque au début du XXe siècle, et de Jeanne Vial; neveu de Francisque Vial, directeur de l’enseignement secondaire.

Il a suivi ses études à Janson de Sailly, khâgne au lycée Louis-le-Grand et il entre premier à l’École normale supérieure en 1922. Ses deux sœurs aînées, Suzanne et Marianne, sont toutes deux agrégées, fait rare à l’époque. Cacique général de sa promotion, il est reçu seulement deuxième à l’agrégation d’histoire, derrière Georges Bidault, suite à un petit scandale concernant le sujet tiré au sort. Il déclare avec fracas que le sujet -« Les abbayes carolingiennes sous Louis le Pieux » – ne justifie pas plus de sept minutes, quand on attend une heure de discours charpenté. Le jury reconnaît son erreur, reçoit l’élève et bannit le professeur auteur du sujet.

Il épouse en 1926 Gilberte Bruel, avec qui il aura deux enfants, Anne et Claude. Après sa mort, Gilberte Brossolette prendra le relais de ses idées et deviendra la première femme conseillère de la République puis sénatrice en France, et aussi à assurer la vice-présidence du Sénat.

Membre de la Ligue des droits de l’homme (LDH), de la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA), initié à la maçonnerie à la Grande Loge de France, il adhère à la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1929.

D’abord fervent défenseur des idéaux pacifistes et européens d’Aristide Briand, ses conceptions évoluent lorsqu’il prend conscience de la réalité de la menace nazie et de l’inévitabilité de la guerre. La Radio Stuttgart dans ses émissions vers la France le dénonçait déjà comme un ennemi du Reich.

Il se présente à la députation de l’Aube sous l’étiquette du Front populaire en 1936 sans succès, et rentre au cabinet du Ministère des Colonies.

Journaliste au sein de plusieurs journaux — L’Europe nouvelle, Le Quotidien, Le Progrès civique, Les Primaires, Notre Temps, Excelsior, Marianne et Terre Libre — ainsi que celui de la SFIO, Le Populaire (où il est rédacteur de politique étrangère), il travaille également pour Radio-PTT dont il est licencié en janvier 1939 lorsqu’il s’oppose dans une émission aux accords de Munich.

Résistance Intérieure

Au début de la Seconde Guerre mondiale, il rejoint l’armée le 23 août 1939 au 5e Régiment d’Infanterie Navarre, 21e Bataillon, avec le grade de lieutenant, est promu capitaine avant la défaite de la France et a été décoré avec une première Croix de Guerre en 1940 en raison de son attitude au cours de la retraite de son unité, en ramenant tous ses hommes avec leurs armes à Limoges.

Pendant la bataille de France, sa famille s’installe à Bordeaux, ville d’origine de Gilberte Brossolette. Pierre Brossolette prépare les passeports pour un départ sur le Massilia, mais décide de ne pas prendre ce chemin car il « sentait » que cela pourrait ne pas être une bonne idée. Après un été sombre, il revient à Paris.

Hostile au régime de Vichy, il rejoint le Groupe du musée de l’Homme présenté à Jean Cassou par Agnès Humbert, écrit le dernier numéro du journal Résistance et échappe de peu à son démantèlement. Puis, il participe à la formation des groupes de résistance Libération-Nord et Organisation Civile et Militaire (OCM) dans la zone occupée et devient, après sa rencontre avec le Colonel Rémy, chef de la section presse et propagande de la Confrérie Notre-Dame (CND).

Quand le régime de Vichy lui interdit d’enseigner, Brossolette et son épouse rachètent une librairie russe à Paris, au 89 rue de la Pompe, qui sert de lieu de rencontre et de « boîte aux lettres » pour les résistants grâce notamment à la bibliothèque tournante disponible dans son sous-sol.

France Libre

À la suite de deux perquisitions successives effectuées par les autorités françaises et allemandes à son domicile en mai 1942, il est parachuté  en France en « blind », sans entraînement, sans comité d’accueil, sans pleine lune. Il vend la librairie  et il fait franchir à sa famille, cachés dans une charrette à foin, la ligne de démarcation à Libourne en juillet 1942 et les fait embarquer aux calanques de Cassis vers Gibraltar sur la felouque « polonaise » Seawolf, puis vers Greenock (Glasgow) en convoi à bord du S.S. Llanstephan Castle le 29 août 1942. Il continue la résistance seul en France tandis que sa femme assure la liaison entre le Commissariat à l’Intérieur de la France libre et la BBC.

Pierre Brossolette devient Compagnon de la Libération par le décret du 17 octobre 1942 et est nommé membre du Conseil de l’Ordre de la Libération.

Sur cette photo, le général de Gaulle remet la Croix de la Libération à Pierre Brossolette, Maurice Duclos, André Dewavrin-Passy, Pierre Fourcaud, Antoine Bissagnet et René Pleven (Ribbesford, Ecole des Cadets de la France Libre, 27 mai 1943)

Missions en France occupée – Zone Nord

En avril 1942, Brossolette entreprend un voyage à Londres en tant que représentant de la Résistance pour rencontrer Charles de Gaulle. Il propose au général de Gaulle de repartir en France pour y rallier à la France Libre d’éminentes personnalités politiques parmi lesquelles Louis Vallon, André Philip et Charles Vallin. Il travaille dès lors, promu commandant, pour le B.C.R.A. (Bureau central de renseignements et d’action, les services secrets de la France Libre), en liaison avec la section RF du SOE (Special Operations Executive) britannique. Le 29 septembre 1942, il s’engage officiellement dans les « Forces Françaises Libres ».

Le 1er octobre 1942, prend la tête de la section opératoire, service chargé de faire le lien entre les résistances extérieure et intérieure.

Il est parachuté à trois reprises en France:

• la première fois pour organiser le mise en sécurité de sa famille menacée par les perquisitions et surtout pour mener à bien l’exfiltration de Charles Vallin, haut cadre du PSF, qui devrait à ses yeux permettre de jouer un coup dur au régime de Vichy.

• la deuxième fois avec André Dewavrin, alias le colonel Passy, le chef du B.C.R.A et Forest Yeo-Thomas, alias Shelley, agent du SOE surnommé familièrement « Le Lapin Blanc ». Ils vont parvenir à unifier l’ensemble des mouvements de résistance de la Zone Occupée, dans le cadre de la mission « Arquebuse-Brumaire », du nom de code de Passy et Brossolette.

• la dernière pour aider à réorganiser la Résistance suite à de nombreux dysfonctionnements ayant amené une réelle percée du Sicherheitsdienst (les services secrets de la SS, chargés du renseignement) dans son organisation et, partant, de nombreuses arrestations effectuées par la Gestapo (la police secrète de l’État allemand, chargée de l’action).

Allocutions à la BBC de Londres

Pierre Brossolette est aussi le porte-voix à Londres des combattants de l’ombre. Dans un discours à l’Albert Hall le 18 juin 1943, il rend un vibrant hommage aux « Morts de la France Combattante »  ou sur son allocution à la BBC en l’honneur des résistants qu’il a appelé les « soutiers de la gloire », expression qui deviendra par la suite usitée.

Arrestation

Après avoir échappé plusieurs fois à des arrestations, Brossolette veut rentrer à Londres pour présenter le nouveau chef du CNR, Émile Bollaert, au Général de Gaulle. Plusieurs tentatives d’exfiltration par Lysander échouent. Brossolette décide de rentrer par bateau. Le 3 février 1944, partant de l’Île-Tudy, la pinasse le Jouet des Flots qui doit les conduire à une frégate britannique au large de l’île de Sein fait naufrage à cause du mauvais temps près de la pointe du Raz. Les deux chefs de la Résistance ainsi qu’une trentaine d’hommes, marins et aviateurs alliés échouent sur la côte, où ils sont accueillis par la résistance locale. Lors d’un barrage de routine, alors qu’ils arrivent à Audierne dans une voiture à gazogène, ils sont dénoncés par une collaboratrice, contrôlés par un poste volant de la Wehrmacht et emmenés en prison à Rennes, siège de la Kommandantur locale.

Plusieurs semaines passent sans qu’ils soient reconnus, une évasion est envisagée par Yeo-Thomas parachuté en urgence pour libérer son grand camarade, mais il est finalement identifié suite à une maladresse de la Délégation générale à Paris avec l’envoi d’un rapport semi-codé vers Londres intercepté à la frontière espagnole. Ernst Misselwitz, Hauptscharführer du Sicherheitsdienst (SiPo-SD Paris, dont le chef était Ernst Kalternbrunner du RSHA – Office central de la sécurité du Reich), se rend en personne pour identifier Brossolette sur place et le fait transférer, le 19 mars, au quartier général du SD à Paris, 84 avenue Foch.

Décès

Pour le faire parler, Pierre Brossolette est torturé pendant deux jours et demi. Le 22 mars, profitant d’un moment d’inattention du gardien, il se serait levé de sa chaise, menotté dans le dos, aurait ouvert la fenêtre de la chambre de bonne dans laquelle il était enfermé, et serait tombé d’abord sur le balcon du 4e étage et ensuite devant l’entrée de l’immeuble côté avenue. Gravement blessé, il succombe à ses blessures vers 22 heures à l’hôpital de la Salpêtrière, sans avoir parlé.

En 2015, Pierre Brossolette fait partie des quatre personnalités de la Résistance qui entrent au Panthéon.

Décorations

- Chevalier de la Légion d’honneur,
- Compagnon de la Libération, décret du 17 octobre 1942, et nommé membre du Conseil de l’Ordre de la Libération
- Croix de guerre 1939-1945, le 11 juillet 1940, avec Etoile de Bronze,
- Croix de guerre 1939-1945, le 25 mai 1943, avec Palme de Vermeil,
- Médaille de la Résistance avec rosette,
- Croix de guerre 1939 – 1945 (Tchécoslovaquie).

Sources : https://www.pierrebrossolette.com/